La terre et le bois comme ressources locales

Les puissants dépôts de limons argileux qui ont recouvert le nord de la France, mais aussi plus largement l’Europe du Nord, sont issus de la dernière glaciation (de 80 000 à 10 000 av. JC.). Ces terres à bâtir recouvrent 70 % de notre territoire sur parfois plusieurs mètres d’épaisseur. Elles contiennent des sables (10 à 15%) mais principalement des silts (60 à 80%) et des argiles (10 à 30 %). La présence conjuguée de la forêt et de la terre argilo-limoneuse a fait du pan de bois associé au torchis le système constructif principalement utilisé. Cependant, quelques cas de constructions en bauge, en blocs de terre empilés mais aussi en pisé ont pu être localisés. La brique de terre crue, quant à elle, a été observée sur des murs intérieurs.

Les caractéristiques structurelles des bâtiments en pans de bois et torchis

habitation-pans-bois-torchisLes bâtiments en pans de bois et torchis possèdent toujours un soubassement maçonné qui éloigne la structure et le torchis des eaux de rejaillissement, de ruissellement ainsi que des remontées capillaires. Ils sont couverts d’une toiture d’au moins deux versants formant un débord dont la pente est adoucie en son extrémité, afin d’évacuer l’eau de pluie loin de la façade. Souvent, un enduit de finition et un badigeon de chaux assurent une protection supplémentaire contre les pluies battantes.

L’orientation des bâtiments d’habitation, majoritairement allongés et peu profonds, privilégie l’exposition sud de la façade principale, plus ouverte, et n’offre aux vents de pluie qu’un pignon aveugle.

  • Les soubassements : ils servent d’appui à la sablière bassesoubassement-torchis de l’ossature du bâtiment et en transmettent les charges aux fondations. Ils sont réalisés en maçonnerie de pierres locales (grès, calcaire dur, silex, etc.) et plus tardivement en briques. Maçonnés au mortier de chaux et de sable de terre, ils reposent sur des fondations peu profondes, faites souvent de grosses et larges pierres ou de silex. Traditionnellement, ils recevaient une protection de goudron de houille appelé «coaltar». Les variations de leur taille s’expliquent par le dénivelé du terrain mais aussi par la période de construction ou de restauration. Avec le temps, ils gagnent en rectitude et en hauteur jusqu’à constituer, avec la sablière basse, l’appui des fenêtres. Ils font parfois l’objet d’une mise en œuvre architecturale particulière : redents successifs, dernier rang de briques posées à chant, etc.
  • ossature-mursLes murs : l’ossature des murs forme un assemblage d’éléments verticaux (les poteaux) et d’éléments horizontaux (les sablières) rendus indéformables au moyen de pièces obliques (les écharpes ou les guettes). Les pans de murs reprennent les charges des fermes de charpente par le biais des maitres-poteaux et des poteaux de refends. Une structure en colombage, constituée de poteaux ordinaires, remplit les cadres ainsi constitués. Leurs formes et espacements varient en fonction des époques de construction et des influences culturelles picarde, artésienne ou flamande. Les pans de bois et charpentes étaient essentiellement réalisés en bois de chêne et d’orme. Les pièces de bois exposées aux intempéries étaient réalisées en bois de chêne (sablières basses, poteaux d’huisseries, etc.). La seconde moitié du XIXème siècle voit apparaître le pin. Par économie, on utilisait beaucoup de bois de récupération et notamment des pièces de charpente de bateaux dans la zone littorale. Aujourd’hui, c’est le chêne qui domine, l’orme ayant quasiment disparu de notre région.

tressage-flamandbarreaudage-horizontallattis-horizontalUne structure secondaire en bois permet l’accroche du torchis. Elle prend place entre ou sur le colombage et revêt différentes formes : le lattis horizontal est le mode de lattage le plus couramment utilisé. Il peut être cloué sur l’une ou les deux faces des colombages ; le barreaudage horizontal est encastré entre les poteaux ; le tressage flamand consiste en un barreaudage espacé, renforcé par un tressage vertical de branches entières ou refendues.

mur-pignon-torchisLorsque les murs pignons sont en torchis, ils reçoivent souvent, en partie haute, un essentage de planches à clins ou de tuiles et à mi-hauteur, une protection particulière constituée de coyaux formant «casquette» à la base du triangle. Les murs pignons en torchis peuvent également être protégés par un pan de croupe.

  • toitures-torchisLes toitures : le plus souvent, elles comportent au moins deux versants pentus avoisinant les 60 degrés. Les plus anciennes étaient couvertes de chaume avant d’être refaites en tuiles (pannes artésiennes, pannes flamandes) ou d’ardoise des Ardennes. En partie basse du rampant de toiture, un coyau en débord offre une protection renforcée de la façade. Lorsqu’il est important, il peut être soutenu par des consoles assemblées dans les poteaux de structure. Les toitures peuvent comporter une ou deux croupes.

Textes rédigés par Maisons Paysannes de France 62 et le Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale pour le compte du Groupe Torchis – Terre crue